SANTE: COMMENT FACILITER L’ACCES AUX THERAPIES INNOVANTES

Support : L’ECONOMISTE

L’investissement dans l’innovation en matière de santé ne devrait pas être conçu comme un luxe mais plutôt une nécessité au regard de ses retombées positives à moyen et à long terme.

C’est le message fort que l’on peut retenir des interventions présentées lors du symposium tenu, samedi 24 septembre, dont le thème porte sur «L’innovation: valeur et accès pour un système de santé pérenne». Une thématique qui concerne le Maroc au moment où il est engagé dans le chantier de la généralisation de la couverture médicale.

«Notre ministère s’est fixé comme priorité d’assurer la disponibilité des médicaments et des thérapies qu’ils soient conventionnels, génériques ou innovants, à l’ensemble de la population marocaine», a rappelé Bouchra Meddah, Directrice de la Direction des Médicaments et de la Pharmacie.

«Les innovations thérapeutiques deviennent un levier incontournable pour optimiser l’offre de soins», précise-t-elle. Ces innovations vont nécessiter des budgets énormes, ce qui va se traduire par un coût élevé des médicaments innovants. «Comment peut-on assurer un accès équitable aux innovations tout en préservant les équilibres financier et économique du système de santé?», s’interroge Abdelali Besri, président de LEMM (Les Entreprises du Médicament au Maroc). La contrainte budgétaire ne doit pas conduire à écarter les patients de bénéficier de ces traitements, a-t-affirmé.

Pour lui, «les seuls critères acceptables doivent être d’ordre éthique et déontologique et fondés sur des considérations médicales, alors que les critères économiques restent sujet à dialogue et approches adaptées aux contraintes de chaque pays».

La rencontre de Rabat a été marquée par la présentation de nombreuses solutions de financement de l’accès aux thérapies innovantes dans les différents systèmes d’assurance maladie universelle. Au menu également «des modèles de contrats innovants/partage de risques, fonctionnels et efficaces, existants dans de nombreux pays, dont certains sont économiquement similaires au Maroc».

Premières prouesses

La rencontre de Rabat était une occasion de rappeler certaines réussites de l’innovation qui va permettre la transformation de certaines pathologies lourdes en maladies chroniques gérables. Grâce aux avancées thérapeutiques, l’hépatite C sera considérée comme maladie rare d’ici 2036, selon le président de LEMM. De même, le taux de mortalité lié aux maladies cardiovasculaires a diminué de 35%, alors que le taux d’insertion professionnelle est de plus de 75% chez les patients atteints du cancer, a-t-il ajouté.

N.E.A.

Quels gains pour la santé?

Pour Thomas Rapp, Directeur du programme d’évaluation des politiques de santé du LIEPP à Sciences Po Paris, la volonté politique est nécessaire pour réussir la réforme d’un système de santé accessible à tous les patients (Ph. DR)

– L’Economiste: Comment les pays en développement peuvent-ils faciliter à leur population l’accès aux médicaments innovants ?

– Thomas Rapp: Il faut qu’ils puissent mettre en œuvre un dispositif d’évaluation permettant de quantifier quelle est l’efficience, autrement dit la performance médico-économique, des médicaments innovants. C’est un préalable nécessaire pour déterminer quels gains de santé ou de qualité de vie pourront être atteints pour chaque dirham investi dans ces innovations. Cela nécessite la construction d’infrastructures de collecte de données indispensables à la réalisation de ces études.

– Dans plusieurs de ces pays, des difficultés sont rencontrées pour accéder aux soins de base…

Je pense que les malades de tous les pays doivent pouvoir prétendre à l’accès aux traitements innovants. Nous avons constaté pendant la pandémie de Covid-19 que cela est possible. Il faut pour cela une volonté politique, nécessaire à la mobilisation de moyens nécessaires, et une collaboration active entre tous les acteurs, industriels, médecins, centres hospitaliers, cliniques, associations de patients etc.

– Comment évaluer la valeur d’un médicament innovant?

Il faut mettre en place des principes d’évaluation scientifiques clairs et transparents. Il faut tout d’abord comparer les effets d’une innovation avec ceux d’autres alternatives dans le cadre d’un essai clinique, et simuler si ces effets sont pérennes et transposables. Ensuite, vient le temps de l’évaluation dite «en vie réelle», qui permet de déterminer si les résultats des essais cliniques sont toujours valides une fois que le produit est mis sur le marché. L’évaluation doit donc être dynamique pour prendre en considération de nouveaux éléments liés à l’usage du médicament dans le système de santé, et des données actualisées.